Ch'ti Yourte

Le Pourquoi et le Comment de la vie en Yourte, Journal d'une Expérience

posté le 30-04-2013 à 15:22:17

Appréhensions avant le grand saut

La maison est sens dessus dessous. Des morceaux de yourtes un peu partout, des meubles à laisser, à donner, à jeter. Des affaires à mettre au garage, à trier plus tard. Sera-til assez grand?

Le dépouillement a encore matière à se concrétiser.

 

Je dois quitter la maison dans exactement 20 jours. La yourte sera finie et montée avant. Aucun montage n'a encore été effectué, faute de place, ou faute de courage pour déplacer deux fois en une journée la demi-tonne de bois de la structure. J'appréhende le bug structurel. Déjà j'ai constaté que j'ai serré trop fort les noeuds du treillis, il faut forcé pour lui faire prendre sa courbe.

Autre crainte liée à la structure, la théorie mathématique implique qu'entre le périmètre intérieur et extérieur du treillis (mis en cercle) il y a 30cm de différence alors qu'en pratique l'intérieur et l'extérieur ne font qu'un. comment cela va-t-il se passer concrètement? si je dois agrandir le cercle pour ajuster les éléments, il y a un risque que les perches de toit soient trop courtes, ce qui m'obligerait à racourcir un treillis et à enlever une perche, le problème étant alors que les ouvertures dans la toile pour les portes risquent d'être décalées. 

 

A tous les auto-constructeurs, si vous ne voulez pas flipper le jour j, débrouillez-vous pour monter votre structure à des étapes intermédiaires, car la yourte est une structure étrange qui donnerait du fil à retordre à des ingénieurs. Rien ne vaut la méthode des menuisiers et des charpentiers : le montage direct et l'adaptation à ce qui est plutôt qu'à ce que disent les calculs.

J'ai le malheur d'être architecte de formation, et de tout faire par calcul, jusqu'à ce que la réalité me donne tort.

 

Que de suppositions gratuites et inutiles!

Rien de grave dans tout cela, il y aura toujours une solution.

Ces peurs ne font que cacher d'autres peurs, plus profondes, celles du petit bourgeois qui s'aprête à renoncer aux valeurs que son environnement sociétal lui a inculqué.

Vivre dans un morceau de tissus que le vent peut emporter, sans l'eau courante, sans EDF, sans GDF, dans 28 m2! qu'est-ce que c'est que cette folie?

 

C'est vivre à la mesure de ma nature de petit être humain dont l'existence insignifiante est vouée à prendre fin,

C'est avoir une chambre de 28 m2, un séjour de 28m2, une salle de bain de 28m2, et ce que je veux de 28m2, soit une surface de 28m2 multipliée par l'infini.

Les logiques ne sont plus les mêmes.

Je ne vivrais pas en yourte, je vivrais là où je serais quand j'y serais, la yourte n'étant là que pour m'abriter raisonnablement.

Tout cela est à la fois très excitant et très flippant.

Le mental se rebiffe parce que ça le dépasse.

Et oui mon coco, reçois bien le message : tes performances foireuse ne sont plus considérées comme primordiales.

 


 
 
posté le 30-04-2013 à 13:05:51

Présentations

Il ne se passe jamais longtemps  avant que je me questionne toujours et encore sur l'étrangeté d'être là, d'exister, l'étrangeté de cette réalité qui nous entoure, et il me semble que cette attitude est une façon honorable de rendre possible le dialogue avec cette réalité.

 

Rien d'étonnant alors à ce que la société des hommes me soit souvent difficilement supportable, puisqu'elle s'acharne à nier cette étrangeté en faisant de toute chose et de tout acte une évidence à laquelle il faudrait adhérer sans questionnements, pour s'accorder à une sphère sociale que la plupart des gens prennent pour la réalité mais qui n'est que le produit d'une sorte de névrose collective.

 

Difficulté à vivre, à supporter les découpages linéaires du temps et de l'espace en catégories absurdes : travail, loisir, ménage, manger, dormir, repos ...

Difficulté à travailler contre rémunération (ce qui n'a rien à voir avec de la paresse) : je n'ai jamais vraiment réussi à attribué une valeur financière à l'exercice de mes capacités. Donc difficulté à vivre et à trouver une place dans un monde ou le surpeuplement et l'omni-appropriation rendent impossible la réception des trésors que la Nature nous offre en échange des fruits de l'expérience qu'elle nous impose généreusement de faire mûrir.

 

Une des manifestations concrètes de ce profond ras-le-bol est le fait que je ne supporte plus de vivre dans des maisons en dur. Depuis quelques années je "campe" dans la maison qui m'abrite, et depuis quelques mois, prenant acte d'un changement inévitable, je me livre à la fabrication d'une Yourte qui sera montée et dans laquelle je vais emménager d'ici quelques jours.

 

"Emménager" n'est pas le terme exact. La vie en Yourte ne relève pas du même genre que la vie en maison ou en appartement : c'est autre chose dont je ne sais encore rien et dont je vous ferais partager la découverte. D'autres l'ont déjà admirablement fait sur d'autres blog, mais j'espère apporter un point de vue différent et complémentaire.

 

Le ton peut déjà être donné : après 39 ans d'existence il me semble avoir compris que les grandes idées ne menaient à rien, puisqu'elles appartiennent à la sphère du mental dont la fonction essentielle est de superposer à la "réalité telle qu'elle est" de fausses représentations.

Il y a toujours une différence abyssale entre les réalités et la façon dont nous les concevons mentalement, mais le mental veut toujours se convaincre que le monde qu'il construit est la réalité alors même qu'il la rend innaccessible.

Ainsi même si le respect de la nature est une évidence et si je ne fuis pas les combats que j'estime nécessaires, je refuse de me considérer comme un écolo ou un militant de quoi que ce soit, parce que le "militant" est une figure mentale qui se superpose à la réalité d'actes qui n'ont pas besoin d'elle pour exister.

 

Qu'est-ce qui est en jeu collectivement dans ce qui est partagé sur ce blog? le fait que la société a considérablement évolué depuis les époques préhistoriques où les règlements d'urbanisme ont été pensés.

La yourte, avec d'autres modes d'habitat léger, a fait son entrée, et des citoyens de plus en plus nombreux souhaitent un retour à la Nature et au Nomadisme, ce qui n'est nullement la volonté d'un retour en arrière mais celle d'une adaptation à un monde dont certains développements technologiques incontournables, l'effritement des anciens modèles socio-économiques et les problèmes des ressources énergétiques et de l'écologie redessinent complètement les perspectives.

 

Je ne prétends pas que la yourte est la solution unique à tous ces changements. Elle ne sera qu'une solution parmis d'autre, mais il n'est pas impossible qu'elle prenne une ampleur que nous ne parvenons pas encore à concevoir. Les gens réaliseront peut-être que ce qu'ils prennent pour du confort et de la sécurité ne sont que des illusions mentales qui leur font faire des choix qui ont des conséquences néfastes pour la Nature et leur rapport à elle.

 

Nous (tous ceux qui se lancent dans la yourtaventure) leur feront découvrir, à force de témoignages, l'étonnante intelligence de la yourte en tant que structure permettant l'accès à un confort suffisant pour des coûts matériels ridicules (en comparaison de ceux d'une maison), nous leur feront découvrir qu'à travers cette structure à habiter ils peuvent retrouver une partie de ce qu'ils ont perdu : leur propre sacralité dans une Nature où toute chose est sacrée.

 

Nous les feront également réfléchir au sens ou au non-sens de la propriété et à comment le nomadisme permet un autre rapport aux territoires que celui de l'appropriation et de l'exclusion.

 

La yourte s'imposera comme mode de vie parmis d'autres, c'est un fait inévitable. De deux choses l'une, ou bien les citoyens et leurs élus vont résister à ce fait, auquels cas ils causeront beaucoup de mal à ceux qui se lancent dans l'aventure et passeront pour des imbéciles au regard de l'histoire, ou bien ils vont prendre consience des changements en cours et s'ouvrir à la nécessité de revoir les règlements d'urbanisme et les modes d'occupation du territoire.

 

La yourte n'a aucun sens si son utilisation et son implantation est soumise à la règlementation du permis de construire. Ôter son sens à la yourte, c'est perdre en intelligence. Elle n'a pas à s'adapter aux lois existantes. C'est aux lois à s'adapter à elle. C'est aux lois d'hier à devenir des lois de demains.

 


 
 
 

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